En chevauchant droit sur la Citadelle, Ahren laissait son esprit vagabonder. Elle songeait au hasard. Une force étrange qui l'intriguait, l'agaçait parfois. Mais aujourd'hui c'était différent. Ahren n'obéissait à personne, surtout pas au hasard, mais elle avait choisi de lui faire confiance. Il avait mis sur sa route, ou l'avait mise, elle, sur la route du jeune Frontalier, mais le résultat était là : elle se dirigeait vers la Citadelle, prête à régler leur leur compte à une horde de guerriers cochons.
Avant cela, elle se dirigeait vers l'Oeil d'Otolep, l'étrange lac situé au-delà des montagnes. C'était un voyage paisible, qui lui faisait profiter des joies de la nature et de la beauté des paysages. Elle voyageait en compagnie de Flèche, sa jument grise, et ne se souciait guère des Raïs, qui sévissaient dans les environs. Mais en cette matinée de printemps, son chemin avait croisé celui d'un jeune Frontalier. Une rencontre... mouvementée. Elle venait de quitter les bords du Pollimage lorsqu'un cri, de rage et de crainte mêlées, avait raisonné dans les alentours. Talonnant Flèche, elle s'était dirigée vers l'origine du cri. Elle entendait distinctement la rumeur d'un combat, et s'était préparée instinctivement à intervenir, si besoin. Elle avait mis pied à terre et attaché Flèche à un bosquet, et s'était approchée discrètement, restant toutefois à l'écart, en observation. Un jeune homme se débattait contre une bande de Raïs isolés, sans doute les survivants d'un combat plus important, mais malgré leur nombre restreint, ils restaient dangereux. Le jeune était seul face à eux, mais Ahren avait néanmoins été impressionnée par son ardeur et son aisance à manier le sabre. C'était de toute évidence un Frontalier. Néanmoins, il était jeune et Ahren ne pouvait supporter la vue de ces hideux guerriers porcins et de leur air mauvais. Utilisant les éléments naturels pour se dissimuler, elle approcha avec la discrétion d'un félin en chasse. Lorsque l'angle fut parfait, elle avait bondi, roulé dans l'herbe et s'était retrouvée face à un Raï abasourdi qu'elle avait embroché d'un coup de poignard fulgurant. Sans s'arrêter, elle avait pivoté et décapité à moitié un de ses congénères. Le jeune Frontalier, d'abord surpris par cette intervention, avait repris rapidement contenance et attaqué de plus belle. Les Raïs avaient bien vite été mis hors de combat, et Ahren s'était retrouvée seule avec le jeune Frontalier.
- Merci beaucoup, avait-il dit, légèrement essoufflé. Mais j'aurais pu m'en sortir seul.
Ahren avait souri :
- Je n'en doute pas, mais ces guerriers cochons me donnent la nausée. Ce petit combat a embelli ma journée.
- Hem... dites...
- Oui ?
- Ces Raïs sont de vraies plaies, et le front nord commence à flancher. Toute recrue est bonne à prendre, vous savez...
- Tu me demandes de rejoindre les Frontaliers au front ?
- Oui, mais vous ne serez pas seule. Nous avons déjà d'autres renforts, venus d'un peu partout en Gwendalavir. S'il-vous-plaît, nous avons besoin de gens comme vous.
Ahren avait apprécié le compliment implicite, et s'était mise à réfléchir. Le regard du Frontalier n'était pas suppliant, mais réellement convaincant. Le regard brûlant de l'honneur et de la conviction. Ce jeune homme, légèrement plus âgé qu'elle probablement, lui plaisait. Décidant qu'un détour par la Citadelle ne serait pas problématique, elle avait acquiescé.
- C'est d'accord, mais sache que je viens en toute liberté et que si je souhaite partir, personne ne pourra m'en empêcher. C'est noté ?
- C'est noté. Au fait, je m'appelle Holdan.
- Moi, c'est Ahren.
Ils s'étaient souri et était repartis ensemble chercher Flèche. Ahren était heureuse et intimement convaincue d'avoir fait le bon choix. C'est donc en souriant qu'elle s'était dirigée vers la Citadelle, en compagnie d'un Holdan tout aussi ravi.
Enfin, les murs fortifiés de la Citadelle des Frontaliers apparurent. Ahren laissa Holdan passer en tête et resta en retrait, perchée sur Flèche, tandis que des gardes Frontaliers venaient vers eux.
- Une nouvelle recrue, dit-il laconiquement.
Les gardes acquiescèrent, et leur firent signe de les suivre. Ils arrivèrent dans une grand cour, où se trouvait déjà une foule considérable. En souriant, Ahren apprécia le spectacle. Malgré les différences de sexe, d'âge et de corpulence, tous étaient des guerriers redoutables, et combattre à leurs côtés serait un plaisir. Flèche fut laissée à un palefrenier, et Ahren se joignit à la foule. Elle si solitaire, elle éprouvait un plaisir inexplicable à se trouver parmi autant de gens. Elle caressa son poignard : le combat serait épique !